dimanche 6 mai 2018

Complément d'enquête sur une soirée foot à la maison






Il y a quelques jours était diffusé sur W9, un match de foot apparemment hyper méga important : OM contre Salzbourg. En vacances à l’ile d’Yeu avec un ami (Francis pour son anonymat), ses deux garçons (Ben et Nuts), sa fille et une de ses copines, la question ne se posa même pas de le regarder ou pas. C’était manifestement comme une évidence pour toute la tribu masculine y compris mon "marai" Sherlock et mon fils Watson. Les deux adolescentes optèrent étonnement pour une sortie crêperie sur le port.
Je décidai pour ma part de me porter volontaire afin d’analyser dans les moindres détails ce phénomène très particulier que l’on appelle communément une soirée foot. Je tiens néanmoins à préciser en toute franchise, que je ne suis pas réfractaire au foot et que toute petite, je fus  bercée par la voix de Thierry Roland. Alors oui je l'avoue, je prends plaisir à regarder certains matchs. Je suis même en capacité de vous expliquer les règles y compris celles du "hors-jeu", c’est pour dire. Bref je suis en toute modestie plutôt calée, en tout cas plus que Sherlock qui a appris à aimer le foot sur le tard, depuis que Watson le pratique en club, c’est-à-dire deux ans. J’admire la capacité de mon mari à être devenu en si peu de temps un parfait supporter avec toute l’élégance et la retenue que cela peut parfois comprendre…

Mais revenons à notre fameuse soirée pour laquelle les préparatifs démarrèrent dès la fin de la matinée. En balade sur le port, Francis préconisa que nous fassions les réservations de Pizza dès que possible pour être sûrs qu’elles soient prêtes dans les temps, c’est-à-dire avant ce qu’on appelle le fameux "coup d’envoi". Le menu d’ailleurs de cette soirée ne souffrait d’aucune discussion possible : c’était pizza ou pizza. Par je ne sais quel miracle, nous avons échappé à la boisson de prédilection, celle qui déclenche des envies plus que pressantes, de préférence au moment des actions dites "décisives". Toujours est-il que le menu choisi à la majorité masculine, me permit donc de me consacrer à mon activité d’observation avant même que le match ne démarre ; dès l’heure qui précéda le début de la partie, la télévision était positionnée sur la chaîne de l’Equipe (canal 21) pour écouter les prévisions des chroniqueurs et leur finesse ; notre cher Ray (mond Domenech) et ses copains se lancèrent dans quelque pronostic pas forcément vital.
La soirée faillit être avortée 5 minutes avant le démarrage : pour je ne sais quelle raison, la télévision refusait d’émettre le moindre signal pour la chaine W9. D’un coup d’un seul, la tension passa haute et les visages virèrent au blanc sucre glace malgré les coups de soleil du jour. Fort heureusement, une reprogrammation générale des chaînes permit de rétablir le contact avec les petits hommes bleus et le ballon magique.

Assise légèrement en retrait pour observer à loisir les comportements de Francis, Ben, Nuts, Sherlock et Watson je pouffe et prends des notes :
Sherlock : "nan mais tu ne te rends pas compte Charlie, les trois quarts des français font comme nous ce soir !"
Le supporter n’est jamais dans l’excès, c’est bien connu. 
Le match commence : Watson, Ben et Nuts engloutissent leurs pizzas les yeux aimantés sur l’écran.
Francis vissé sur sa chaise émet enfin un son : "ça sent bon là, ils font le taf."
Sherlock : "Ils sont pas là par hasard ; il est long le parcours pour en arriver là."
A cet instant précis, j’hésite à lancer un concours géant de la phrase à deux balles mais les citations sans fond se poursuivent plus percutantes les unes que les autres :
Sherlock : "Ca va pas être si simple que ça."
Francis : "Nan."
On frôle la palme d’or de la réplique quand soudain c’est le but. Comme dans tout match de foot, tel un mouvement mécanique, les supporters se lèvent pour acclamer la performance. C’est ainsi que Sherlock bondit de son fauteuil, emportant dans sa liesse son verre de vin rouge qui vacille et qui, par je ne sais quel miracle, évite le fauteuil crapaud si cher à sa tendre belle-mère.
Les enfants explosent de joie, entament des chorégraphies, les croûtes de pizzas tremblent dans les boites secouées par la victoire. Je profite de ce moment d’exaltation pour m’éclipser chercher du bois pour la cheminée. Mon absence n’est bien sûr absolument pas remarquée tellement la concentration masculine footballistique est à son apogée.
A mon retour, un débat est en cours. Le but a-t-il été mis avec la main ?
Francis :"il marque de la main et alors ? On s’en fout y’a pas l’arbitrage vidéo."
Le foot, c’est aussi ça parfois : la victoire de la mauvaise foi.

Et puis le match se poursuit, lent sans action : les yeux des 3 garçons se font de plus en plus lourds mais Ben, telle une cacahuète grillée à sec, a soudain un regain d’énergie : "enroule, enroule !"
Francis enchaîne en criant quasiment: "à gauche, à gauche, y’ a un boulevard !". Oui parce qu’il faut le savoir, les joueurs ont la capacité d’entendre et de  prendre note de tous les conseils donnés par les téléspectateurs où qu’ils soient.
C’est la mi-temps, les hommes sortent se détendre histoire d’analyser un peu mieux la situation :
"On va y arriver ; il faut pas qu’on relâche la pression."
"On"… le "on" de la victoire. Notez bien que si l’équipe que vous soutenez perd, le "on" se transforme en  "ils", ce qui pourrait donner : "ils jouent vraiment comme des culs".

La deuxième période est fadasse malgré un deuxième but pour "notre" équipe. Les joueurs crachent de plus en plus, se grattent les parties sans modération, se mouchent sans mouchoirs.  Francis et Sherlock détendus du string par une victoire presqu’acquise, ont changé de registre de dialogue : lorsque le joueur Clinton fait son entrée dans le stade, Francis lâche : "Clinton est hilare".
Et quand Dabour (prononcé dabur) fait une action, Sherlock évoque sa femme Yvette, parce que… "Dabur sur Yvette"… On frôle le très gras mais ça fait partie du jeu.

Le match s’achève. Il est l’heure pour les chroniqueurs de la chaîne l’Equipe de prendre le relais,  d’échanger leurs points de vue et de se foutre sur la gueule ; si si je vous jure, au prochain match essayez cette chaîne cinq minutes et vous verrez.
Les enfants vont se coucher en toute lucidité : "pas terrible le match mais c’était quand même une bonne soirée". Parce que oui il faut bien l’avouer, qu’on aime ou pas le foot, une chose est sûre c'est qu'il y a un côté festif inimitable, unique, sublimé parfois par des phrases cultes des commentateurs :
"l'équipe de France est championne du monde, vous le croyez ça ? Je crois qu'après avoir vu ça, on peut mourir tranquille. Enfin le plus tard possible. Ha c'est superbe ! Quel pied ! Ah quel pied oh putain ! oh lalalala, oh c'est pas vrai !" Thierry Roland 12 juillet 1998.







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