samedi 21 janvier 2017

"Nos chers voisins"#1


Lors de ma première escapade vers la Capitale, je devais avoir 18 ans. Quelle ne fut pas ma stupéfaction de constater que la majorité des franciliens vivait en appartement ; et oui, moi petite provinciale naïve et sans doute surprotégée, habitant depuis ma naissance dans une maison que l'on pourrait qualifier de bourgeoise, je ne pouvais imaginer une seule seconde résider autrement.
Cette année Sherlock et moi fêtons nos 18 ans dans le même 3 pièces de 66 m2, sans le moindre regret, bien au contraire. La vie résidentielle en appartement est aussi passionnante qu'étonnante et les rencontres, enrichissantes.
Pourtant, emménager dans une nouvelle résidence n'est pas forcément chose aisée. Votre arrivée fait l'objet d'une vaste curiosité des locataires ou propriétaires ; votre profil,  votre âge, statut marital, peuvent donner lieu à une première impression sans détour :
- vous êtes jeunes, débarquant à deux, sans enfants, vous constituez un potentiel de nuisance sonore à haut risque pour la cage d'escaliers.
- Vous êtes homme ou femme célibataire, vous faites l'objet de questionnements : vivre seul de nos jours ne constitue pas la normalité : "Tu l’as rencontrée la nouvelle du second ? Elle a l’air bizarre non ? Y a beaucoup d’hommes qui lui rendent visite tu ne trouves pas ?"
- Vous faîtes partie du troisième âge, on vous considère d'emblée comme détenteur d'un capital de tolérance proche du niveau 0, bref vous êtes vieux donc potentiellement dangereux et qui plus est, un emmerdeur.
Règle numéro 1 et 2 pour tout nouvel arrivant, faire preuve de politesse et de discrétion pendant les premières semaines ; votre intégration en dépend. Et force est de constater que si vous arrivez avec un nouveau-né ou de jeunes enfants, ces derniers seront un véritable vecteur de communication et d’intégration. Nous l’avons vécu Sherlock et moi : par le simple fait de constater que mon ventre s’arrondissait, notre voisinage est enfin entré en communication avec nous, après 3 ans d’ignorance totale et parfois déstabilisante.
Et des voisins depuis maintenant 18 ans, nous en avons côtoyés. Ce qu'il y a de passionnant dans une cage d'escaliers, c'est qu'en quelques étages, on y retrouve tous les acteurs de la vie dans ce qu'il y a parfois de plus caricatural. C’est en quelque sorte un  véritable microcosme de notre société.
 En voici deux premiers portraits véridiques, catégorie assistantes maternelles.
Comme beaucoup de cages d’escaliers franciliennes, un appartement a minima est occupé par une "Nounou".
Toute bonne assistante maternelle qui se respecte, privilégie un logement en rez-de-chaussée pour plus de commodités, rapports aux poussettes et compagnie. Depuis que nous sommes ici, nous en avons rencontrées deux.
La première, une femme d’une cinquantaine d’années, divorcée, grande, brushing parfait couleur Donald Trump, lunettes, visage fermé, cernes plus que visibles,  bref rien de très engageant. Appelons la Monique celle qui sans doute aimerait bien rire quand…
Nos relations avec elle n’ont jamais dépassé le bonjour/bonsoir mais le passage obligé devant son appartement nous a permis d’assister à certaines scènes et de déceler quelques traits volontairement cachés de sa personnalité.
L’accueil du matin et du soir sur le pas de la porte, se fait avec un large sourire ; elle donne l’impression de les aimer ces enfants, de savoir s’y prendre avec eux, ce qui bien sûr provoque l’effet escompté : la maman bourrée d’anxiété de laisser son enfant toute une journée, se sent totalement rassurée. Ce qu’elle ne sait pas, c’est qu’une fois les parents partis et la porte de l’appartement fermée, l’assistante maternelle tombe le masque, passe son temps à fumer des clopes sur le balcon, laisse les enfants hypnotisés devant la télévision, crie régulièrement lorsqu’ils pleurent parce que son capital patience n’est pas surdimensionné comme on pourrait l’imaginer.  Elle sait retrouver son calme et revêtir son masque de bienveillance et de parfaite assistante lorsque l’heure d’arrivée des parents approche.
Ces quelques morceaux de sons de vie volés derrière la porte, nous ont convaincus Sherlock et moi de ne pas la sélectionner pour notre propre fils même si le fait de l’avoir dans notre cage d’escalier, constituait un véritable luxe. Ceci dit, notre choix sur une assistante maternelle basée un peu plus loin sans expérience, n’était pas non plus très "safe" ; comme tous bons nouveaux parents, nous avions insisté pour qu’elle confectionne des repas équilibrés histoire d’éviter le gavage aux petits pots ou aux purées couleur caca vert : cette dernière était particulièrement fière de nous annoncer avoir remplacé les petits pots par… des pâtes et des lardons.
Elle était également une parfaite adepte de l’entraide permanente de la télévision tout en prenant grand soin de l’éteindre quand nous sonnions ; comme si nous étions dupes, discrètement nous nous approchions de la télé pour la toucher, elle était brulante d’avoir travaillé sans pause sur l’ensemble de la journée.
Revenons-en à notre Monique (celle qui ne rit toujours pas) : elle n’est pas restée plus de deux ans dans notre résidence. Peu de temps avant son déménagement, nous la croisions souvent le dimanche sortant de chez elle hyper apprêtée, comme si elle partait au Dancing retrouver son compagnon bien décidé à la dérider et donc à la faire rire, enfin c’est tout le mal qu’on lui souhaite...   
Quant à la seconde, c’est amusant (même si finalement ça n’a rien de drôle), de constater quelques similitudes : en rez-de chaussé également, adepte de la multi pause cigarettes, des cernes jusqu’au plancher (enfin jusqu’au lino, type de sol recommandé par les assistantes maternelles). Beaucoup plus jeune (la trentaine), 2 petites filles de 2 et 9 ans et un compagnon. Bref une situation a priori plus équilibrée que notre Monique. Nous l’appellerons Jennifer. Nous la connaissons bien Jennifer car Watson et l’une de ses filles sont du même âge. Du coup, on discute régulièrement avec elle quand on rentre le soir ; son compagnon est infirmier donc peu souvent présent ; elle a par conséquent besoin de compagnie et est souvent plantée le soir, devant sa porte d’entrée à discuter le bout de gras avec qui prend le temps de s’arrêter. C’est là que je réalise que ce travail n’est pas des plus simples et que changer des couches, faire des  "areu areu" toute la journée, ça va bien deux secondes. Alors je comprends mieux les cernes. Mais il faut dire que Jennifer ne met pas les chances de son côté : chez elle, comme animal de compagnie, un furet… Pas sûr que la présence de cet animal sauvage et puant favorise des demandes de parents à la recherche de l’ultra sécurité et d’une hygiène irréprochable pour leur progéniture.
Et puis cette pauvre Jennifer cumule les ennuis : c’est le seul appart à avoir des problèmes de chauffage l’hiver, ses meubles penchent bizarrement avec le temps (enfin c’est ce qu’elle raconte), et pour couronner le tout, son mec la trompe. Ça, on le sait grâce à Sherlock : un jour en descendant les poubelles, il s’est retrouvé devant l’appartement de Jennifer dans lequel une engueulade était plus que perceptible :"Comment tu peux m’faire ça ? C’est qui cette pouffe ? Une infirmière ?" Electrochoc  totale pour notre voisine, qui du jour au lendemain a fait preuve d’effort de maquillage même râté, histoire de récupérer… son homme (encore une expression que je déteste). Elle cumule notre Jennifer ; elle est pourtant tellement gentille et toujours là pour dépanner l’un d’entre nous : du coup, elle a les clefs d’une partie de la cage d’escalier car en période de vacances, elle s’occupe des fleurs, du courrier, de la fuite d’eau, de nourrir les bêtes… Et oui, parce que Jennifer en plus de ne pas montrer de signes d’épanouissement dans son travail et dans sa vie privée, ne peut pas se permettre de partir en vacances car n’en a pas les moyens. C’est en côtoyant les difficultés des autres qu’on se rend compte que finalement on est ultra privilégié.
Allez je m’arrête là pour cette fois. A venir : la famille catalogue, Mamie Zinzin, la famille dépassée, les occupants carte vermeil, la communauté portugaise, les ados qui s’tripotent, et j’en passe et des meilleurs !
Et comme dirait Pierre Perret :"Chacun voit midi à sa porte…et les trous dans les chaussettes du voisin". Désolée.


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