lundi 18 mars 2024

Le marché thérapie



En cette période grisâtre et chaleureusement humide, qui incite la morosité à prendre ses aises dans nos états d’esprits pluvieux, permettez-moi de vous confier un remède efficace, pour reprendre de la vitamine de bonne humeur. C’est aussi simple qu’un marché du dimanche mais le vrai, c'est-à-dire celui qui est couvert et qui, lorsque l’on pénètre dans ses halles, nous happe littéralement, à grands renfort d’étalages colorés, d’odeurs puissantes de poulets virevoltants sur leurs broches et d’un discret brouhaha. Dans cet espace abrité, ça fourmille gentiment de personnes qui savourent le milieu de leur week-end, avec la perspective d’un après-midi de détente.

C’est un endroit de rencontres fortuites où l’on s’arrête sans complexe en plein milieu d’une allée, pour entamer une conversation et se mettre à la page des toutes dernières nouvelles. Ici, l’agitation est conviviale, le stress et la mauvaise humeur sont absents des étales. Les commerçants courageusement levés depuis des heures, enchaînent les prises de commandes en nous transmettant leurs kilos d'entrain, leurs litres de sourires et la passion pour leurs produits. L’attente pour être servi fait partie du jeu et nous offre le luxe de prendre enfin le temps, celui de ressentir la vie qui nous entoure : nos yeux rechargent leurs batteries de couleurs devant les étalages de fruits et légumes, tandis que nos oreilles captent les conseils de cuisson du rôti, donnés par le boucher au client devant nous. De ses gestes appliqués et respectueux envers sa viande, il coupe cette entrecôte et recouvre de son imposante main, la totalité du morceau pour mieux ôter avec l’autre, le surplus de gras malvenu. On aimerait pour nos cuisines, disposer des mêmes couteaux qui hypnotisent nos regards quand ils viennent trancher si facilement la chair mais on oublie que tout réside dans le professionnalisme de celui qui les utilise. Même ressenti côté poisson où lever des filets, retirer la peau de la sole, trancher finement le saumon s’apparente à des gestes quasi chirurgicaux, avec la satisfaction du travail bien fait qui se lit sur le visage du poissonnier de père en fils.

L’heure du déjeuner approche et le passage chez le crémier est la garantie de pouvoir goûter un ou deux fromages à la coupe. Ici, on admire le commerçant qui y va de tout son poids pour trancher un morceau de comté fruité 18 mois, avec son étrange couteau à double manche et sa lame large comme une scie. Et quand on lui demande de nous en dire un peu plus sur son Saint-Nectaire exposé, il s’en empare, nous le montre de plus près en appuyant délicatement dessus pour mettre en avant son côté moelleux crémeux. Comme si ce n’était pas suffisant pour nous convaincre, il n’hésite pas à nous le faire goûter pour la plus grande joie de nos papilles stimulées. 


Inévitablement, nous repartons du marché avec un fromage imprévu, trois barquettes de myrtilles pour le prix d’une, une botte de ciboulette offerte et quatre nems cadeaux que le traiteur rajoute pour nous remercier de notre sourire. 

Alors oui, on a dépassé le panier moyen mais au profit d'un stock de gaité, de gentillesse, d’échanges directs en toute simplicité avec des gens vrais, courageux qui ne se prennent pas le chou et n'ont même pas conscience du pouvoir qu'ils détiennent, celui de nous redonner la pêche...

Bienvenue au marché thérapie. 

jeudi 22 février 2024

Le murmure de la mûre




Pour fêter mon âge mûr, une amie m’a récemment offert un pot de confiture de mûres "FAIT MAISON" ; elle se souvenait qu’il s’agissait pour moi d’une incontestable madeleine de Proust. Il faut dire qu’en termes de souvenirs, c’est fou ce que la mûre me murmure… 


A n’en pas douter, c’est un fruit qui laisse des traces, comme des tâches de Rorschach d’un violet aquarelle, sur le menton et les joues des enfants mais aussi parfois des plus grands.

Faire de la confiture de mûres, c’est comme capturer dans un bocal un morceau de la fin des vacances d’été et des derniers moments passés dehors, entre cousins, dans des lieux privilégiés comme l’ile d’YEU pour ne pas la nommer. C’est à cette période que les cueillettes sont les plus fructueuses et que ces petites baies sauvages revêtent des allures de caviar : noires avec des reflets parfois bleu en fonction de la lumière, elles envahissent pour notre plus grand bonheur gourmand, le bord des routes, des chemins et même parfois les champs. Encore faut-il connaître les coins ; à l’instar des champignons, les localisations ne se dévoilent que sous une mûre torture, comme celle de menacer de renverser dans le fossé, le seau de plage contenant ce bel or noir. 


Qui n’a jamais entendu cette phrase prononcée par des parents lassés : "Allez-donc nous chercher des mûres !". L’activité de la cueillette de mûres n’est pas forcément innée chez les enfants. Elle est souvent lourdement suggérée par les parents qui y perçoivent un double intérêt : celui de ne plus avoir dans les pattes leurs enfants qui par temps gris, ne savent pas s’occuper ; et le second, de récupérer une matière première de choix, pour préparer le dessert du soir comme une tarte, une glace ou même envisager la production de confitures, en cas de récolte miraculeuse. 

Et nous voilà partis avec nos seaux de plage contenant dans le fond, le reste de la tour du château de sable d’hier. Certains ont préféré se munir de sacs plastiques de supermarché ; sans doute des débutants qui n’ont jamais été confrontés à l’écrasement inévitable des mûres malmenées dans ce type de réceptacle. Ils ne reproduiront pas deux fois cette erreur…

Au démarrage, on y va tous un peu à reculons ; et puis, il suffit de tomber sur une concentration de baies noires pour que la compétition s’installe. Qui de nous aura la meilleure récolte ?

Les plus belles mûres sont systématiquement inaccessibles et nous oblige à nous pencher dangereusement, quitte à basculer dans un bain de ronces impitoyables. Dans tous les cas de figure, une cueillette ne peut se dérouler sans une égratignure qui vient tatouer nos jambes, ni la présence de jus écrasé sur nos tee-shirts forcément blancs ce jour-là. L’art de la cueillette repose dans le choix visuel d’une mûre charnue qui sera suffisamment ferme mais pas trop, pour résister à la pression raisonnable du pouce et de l’index afin de la détacher de sa base. Inévitablement malgré toute la délicatesse engagée, elle colorera nos doigts. Parfois, elle subira la déviation vers notre bouche au lieu de rejoindre ses congénères dans le seau. La tentation est trop forte pour ne pas succomber. Difficile de comptabiliser le nombre de mûres que nous aurons savourées en circuit plus que court mais notre bouche, notre langue et nos dents noires trahiront notre faiblesse. Comment résister à cette forme ovoïde harmonieuse, ces petites boules collées les unes aux autres et ce goût délicieusement sucracidulé. Alors oui, parfois, il nous arrive de tomber sur un mauvais numéro dont le goût pourrait s’apparenter à celui de fourmis écrasées et qui nous fait recracher le fruit sans aucune forme de retenue. Et puis régulièrement, une graine trouve le moyen de s’encastrer dans une molaire comme un Lego et l’on aura un mal fou à la retirer élégamment ; ce sont les risques de la mûre que malgré tout, nous acceptons de prendre. 


Ainsi va le murmure de la mûre déclenché en dégustant quelques cuillerées de cette confiture millésime 2023. Difficile d’être raisonnable, le pot va y passer pour prolonger ces souvenirs d’enfance et d’été mélangés. Il y a tant de chose à raconter et les mûres en sont les premières témoins. Et comme les mûres ont des oreilles, ce n’est pas près de s’arrêter.

samedi 17 février 2024

Et l'Amour dans tout ça ?

 

Photo d'emballage Picard 😅

J'ai récemment été sollicitée par le Huffpost pour contribuer à un article portant sur les différences dans la façon de chercher et de rencontrer des partenaires quand on est jeune et plus tard dans la vie. L'article mis en ligne sur le site du Huffpost est donc une compilation des témoignages de personnes entre la vingtaine et la cinquantaine. Ma proposition ayant été quelque peu raccourcie et modifiée à mon grand regret (mais c'est sans doute le jeu ma pauv' Lucette),  je vous livre ci-dessous le texte original....

Je suis d’une génération nourrie dans sa jeunesse de séries, films et dessins animés tous plus fleur bleue les uns que les autres : que ce soit Au Pays de Candy où "elle rêve et elle imagine que le petit Prince de collines vient lui parler doucement", ou au sein de La Petite Maison dans la prairie, dans laquelle rien ne semble ébranler l'adoration réciproque que se vouent les époux Ingalls, je voulais moi aussi tomber sur LE Grand Amour, comme Bridget Jones le relatait dans son journal.

Il y a trente ans, les études, les soirées associées, les frères de nos meilleures amies, les groupes d’amis des vacances estivales, constituaient un véritable vivier de rencontres potentielles. Trop timide, j’avais souvent une bonne amie pour faire passer le message à l’heureux élu de mon cœur. Je rêvais de romantisme et m’enflammais quand je recevais (par la Poste !) des lettres d’amour remplies de citations de Gérard de Nerval. Je m’empressais d’y répondre en évitant la phrase que beaucoup plus jeune j'inscrivais sur le dos de l'enveloppe : "Petit facteur presse le pas car l’amour n’attend pas". Les premiers émoticônes de cœur sont nés sur ces enveloppes. On était encore tellement loin de l’aubergine et de la pêche…

J’ai toujours recherché des histoires sérieuses, c’est-à-dire qui durent dans le temps, avec le fantasme du mariage à la clef, la consécration de l’époque… Et c’était sans compter le poids de l’éducation pour trouver LE garçon de  "bonne famille", bref qu’il soit "d'un milieu social respectable". Quelle époque dépassée!… 

Je n’avais qu’un objectif : me marier, avoir des enfants conçus lors d’une belle nuit d’été, un chien, une cheminée et la vie bien rangée qui va avec, auprès d'un beau mari protecteur. Résultat, je me suis retrouvée avec un homme que j’ai surprotégé, le chien a été remplacé par un cochon d’Inde, la cheminée par un chauffage au sol dans un appartement de banlieue, avec un enfant obtenu après multiples tentatives de FIV. 

A 53 ans, divorcée depuis 3 ans, je retourne à la case départ : pas facile de se remettre sur le marché quand on n’est plus toute neuve et que les occasions de rencontres ne sont plus vraiment les mêmes qu’il y a trente ans. "Sors", "Inscris-toi dans une salle de sport", "Tente les sites de rencontre", sont un échantillon des conseils des bonnes copines (en couple) qui ne savent pas trop quoi dire. On m’évoque aussi souvent l’option rencontre au boulot mais si je pouvais éviter de me caser avec un mec auprès de qui je ferais régulièrement la revue de personnel sur l’oreiller, ça m’arrangerait…

Si j’ai envie d’une nouvelle histoire, je ne l’envisage pas de la même manière : hors de question de vivre ensemble 24h/24: je vise "le chacun chez soi" et on se voit pour les bons moments. Je souhaite garder une certaine indépendance que j’ai retrouvée grâce à mon divorce et qui m’épanouit pleinement. 

Je suis inscrite sur des sites (cf post Mythiques rencontres) car je pense qu’il ne faut négliger aucune opportunité même si pour l’instant c’est la bérézina...

Je pense être aujourd’hui plus ouverte sur mes critères de sélection, la maturité sans doute. Je fais selon mes envies et le regard des autres en la matière m’importe moins qu’avant. 

En revanche si à 20 ans, l’idée d’être avec un garçon de 10 ans mon aîné, ne me dérangeait absolument pas, je milite aujourd’hui pour une tranche d’âge supérieure limitée : je ne souhaite pas me reconvertir en auxiliaire de vie. Quant à la tranche inférieure, bizarrement je ne suis pas contre (Cougar sors de ce corps)


Je ne rêve plus de mariage, mais d’une histoire simple, épanouissante qui s’arrêtera quand elle devra s’arrêter. 

dimanche 17 décembre 2023

Mon dico des expressions : "ÇA VA ÊTRE FROID"

 



a va être froid" : expression intemporelle du fin fond de la cuisine.

Expression employée par la maîtresse de maison ou le maître, évitons toute interprétation d’un texte féministe mais force est de constater que l’homme cuisinant pour sa tribu ne constitue pas encore la norme.

Phrase généralement prononcée à haute voix. On sent dans l’intonation, l’exaspération de la personne qui l'énonce à l’attention le plus souvent, de ses enfants qui prennent leur temps pour rejoindre la cuisine. Avant d’en arriver à cette menace qui n’effraie manifestement personne, il y aura eu au préalable a minima deux ou trois "A table" qui n’auront pas suffi à mobiliser les troupes aimantées par leurs activités respectives.

Nous-mêmes avons été acteurs des deux camps :

- Enfants ou adolescents, nous nous souvenons de ces fois où l’odeur de chou-fleur qui embaumait toute les pièces de la maison, ne nous incitait pas forcément à nous précipiter autour de la table. A moins que ce fut une activité que nous estimions être tellement plus prioritaire qu’un repas chaud : le dénouement de l'épisode 505 de La Petite Maison dans la prairie (que l'on a déjà vu à trois reprises), un chapitre presqu’achevé, une conversation téléphonique avec sa meilleure amie pour parler de la boum d’hier.

- Mères (ou Pères), nous sommes à notre tour outrées par l’attitude de nos enfants que nous jugeons indigne, irrespectueuse, alors que le four à micro-ondes peut réconcilier tout le monde en quelques secondes… 

Il y a sans doute dans le "Ça va être froid" une forme d’appel au secours, de besoin de reconnaissance et d’envie de perpétuer des expressions familiales qui malgré tout nous font sourire, tant les souvenirs associés sont encore bien présents.


dimanche 10 décembre 2023

Mon dico des mots : RÉCONFORTANT

 

"Réconfortant" : adjectif hypocrite.

Il fut un temps où ce mot était surtout utilisé pour mettre en avant le côté consolant, apaisant d’une attitude ou d’une parole. De nos jours, il s’agit plutôt d’un Adjectif hyperactif en cette saison pluvieuse et donc au bord du burn-out tellement il est employé sur les réseaux et par nous-mêmes à toutes les sauces, j’ai envie de dire.

Se dit d’un plat ou d’un dessert particulièrement habilité à laisser des traces longue durée sur les  HVF (hanches ventre et fesses). Clairement on ne dira pas d’un plat de brocolis bouillis qu’il est réconfortant alors qu’une bonne tartiflette ou une montagne de profiteroles peuvent y prétendre, peu importe le sentiment de culpabilité qui risque de se déclencher derrière. En cuisine, Il s’agit par conséquent d’un adjectif fourbe et sans scrupule qui cherche à nous amadouer et nous donner le sentiment que moralement nous irons mieux en ingurgitant du réconfort à base de gras et ou de sucre. 

Et ce qui est réconfortant c’est de savoir que je ne suis pas la seule à me faire avoir par le poids de ce genre de mots…


dimanche 19 novembre 2023

"Larguez derrière"



On entend souvent parler de la magie de Noël ; évoquer la magie de l’ile d’YEU me semble tout aussi pertinent. Prendre le bateau pour s’y rendre, contribue à n’en pas douter, à cet état d’esprit magique. Il y a dans l’étape de la traversée, une atmosphère enveloppante unique, comme une phase de déconnexion à l’autre monde. 

J’ai la chance d’avoir embarqué à bord de l’Auguste Durand et de La Vendée. Je conserve de ces traversées, des containers de souvenirs à commencer par les sprints sur le ponton en bois de Fromentine, les bras chargés de sacs, sous les encouragements des passagers installés à bord et applaudissant les retardataires. Un état d’esprit bon enfant envahit ces moments de traversée. Que l’on se retrouve en familles, entre cousins ou amis, ce temps précieux passé en mer nous met dans les meilleures dispositions avant de débarquer sur l’ile d’YEU. Comme un sas de décompression , "ça y est, on y est, les vacances peuvent commencer". 

Alors parfois ce sas est quelque peu tourmenté. Sujette au mal de mer, je considère malgré tout la traversée comme l’épreuve logique à surmonter pour avoir le privilège de poser ses valises sur l’ile. Et par gros temps, le "Larguez derrière" en provenance des hauts parleurs, marque le déclenchement d’une petite heure d’angoisse : la traversée sera-t-elle avec ou sans sac discrètement mis à disposition des passagers ?

Je sens encore l’odeur de l’épaisse fumée noire qui se dégageait en paquets de nuages, depuis les cheminées de La Vendée au moment du départ. Il faut attendre d’être passé sous le pont de Noirmoutier (que l’on est persuadé de cogner avec le mât) pour avoir réellement une idée de l’humeur de la mer. 


C’est une époque où tous les bateaux de la compagnie Yeu Continent offrent le privilège de vivre la traversée à l’air libre, option parfois salvatrice  pour les plus nauséeux. Dehors à l’arrière de La Vendée, sous le auvent, une cinquantaine de vélos de toutes tailles et de tous âges s’entassent, à se demander comment chacun va pouvoir retrouver et récupérer sa monture à l’arrivée. Des amas de cordage disposés sur des palettes permettent à quelques passagers de s’assoir : mais il faut être rapide car ces emplacements de luxe humides et salins sont, contre toute attente, fortement convoités. Des parties de cache-cache se déroulent entre les voitures parfois stationnées sur l’espace arrière bas du bateau. Le chargement de ces voitures constitue d’ailleurs avant le départ, une prouesse observée par de nombreux passagers. Depuis sa cabine sur le pont supérieur, l’un des marins de l’équipage actionne le mât de charge afin de soulever à l’aide de cordages positionnées sous les roues, le véhicule  stationné au bord du quai. Il repose l’ensemble à bord, avec plus au moins de délicatesse…


Dans le salon aux teintes marron contestable (mais en même temps vintage), les banquettes en skaï jaune attirent des tribus entières qui s’installent, avec la ferme intention de ne plus bouger jusqu’à l’arrêt du bateau. Les pleurs des enfants devenus blancs, les aboiement des chiens couchés mais troublés par le roulis,  risquent de perturber ce faux moment de tranquillité, dans cet espace très souvent surchauffé. Du côté du comptoir du bar à l’avant du salon, les pieds marins chanceux et les membres de l’équipage se retrouvent pour un remontant ponctué de discussions fortes et de rires communicatifs. 


A l’extérieur, il y a ceux qui passent la totalité de la traversée, debout les jambes écartées pour pouvoir maintenir une vague stabilité face au tangage engagé. Ils fixent l’horizon du continent et prennent plaisir à voir le pont se perdre dans le lointain. 

Les enfants savourent leur bonheur de pouvoir organiser des expéditions à la découverte des recoins déjà rouillés du bateau ; ils courent dans les allées, descendent et montent les escaliers en perdant parfois l’équilibre du fait de la houle levée.

Sentir le vent qui joue avec les vagues pour couvrir d'embruns nos visages, assister aux percées du soleil aux travers des nuages, pour maintenir la réputation d’un micro climat incontestable, sont comme les premiers signes de bienvenue sur l’ile.

Généralement à mi parcours, si l’on se penche à bâbord, on commence à distinguer une forme sombre qui habille l’horizon. C’est à celui qui apercevra l’ile le premier et cela provoque toujours la même excitation ; l’objectif tant attendu pendant des mois est enfin à portée de vue comme un trésor à portée de mains. Et pour les estomacs les plus fragiles, la repérer même vaguement est un placebo de fin du calvaire.

La mer elle aussi décide de reprendre ses couleurs : en quittant Fromentine, elle était grisâtre,  jaune opaque de sable dérangé par les manoeuvres des bateaux. Plus le navire progresse vers son cap, plus l'eau reprend des teintes d’encre bleu foncée, assurément marine. 

Les maisons blanches du Port et la tour de la Citadelle sont maintenant visibles ;  la mer s’est disciplinée pour pour nous permettre de nous imprégner des premiers instants de vie perceptibles sur l’ile. On distingue les voitures, l’hélicoptère vient de décoller avec à son bord des passagers pressés,  les terrasses des cafés ont l’air d’être bien occupées. 


Une fois l’amarrage effectué, la sortie du bateau est une pagaille systématique, entre ceux qui cherchent à récupérer leurs sacs déposés à l’avant et les autres qui, en sens inverse, veulent sortir au plus vite, pour fouler la terre ferme. Et puis tout de suite après, au niveau de l’embarcadère, s’en suit l’embouteillage d’embrassades entre les arrivants et ceux venus les accueillir : "Vous nous apportez le beau temps on dirait !". 

D’ici quelques minutes la foule aura déserté cet endroit, les bateaux amarrés pourront profiter de leur tranquillité retrouvée à l’abri de l’agitation du port,  avant l’heure de la prochaine liaison vers le continent.

Quand nous repartirons et réembarquerons, la mer aura le plus souvent l’élégance de nous servir une traversée apaisée avec le vent dans le dos, comme pour nous permettre de mieux digérer ce départ qui nous pèse. Le retour semblera plus court qu’à l’aller mais suffisant pour diffuser dans nos têtes des couleurs, images et souvenirs ancrés, riches en intensité. 

On croisera parfois l’autre bateau parti de Fromentine et l’on envie ses passagers qui vivent l’excitation de l’arrivée alors que l’on nage présentement dans une écume de nostalgie. 


Et c’est aussi ça la magie de l’ile d’YEU et de sa traversée, avoir le temps nécessaire pour prendre conscience de ce que représente cette ile à nos yeux et dans notre coeur.


Merve'YEUsement vôtre

samedi 28 octobre 2023

Chronique d'un aspirateur dénoncé

Copyright "Les Gourdasses"

Oh je sais très bien ce que vous vous dites après la lecture du titre : "elle ne va quand même pas nous faire un sujet de mé(na)gère quinqua ?!" Ou plus prosaïquement : "ça y est elle a définitivement pété un fusible". Alors je vous rassure, mes connexions internes se portent à merveille (enfin je crois) et oui je vais vous parler de mon aspirateur parce qu’il a intégré la catégorie ennemi public numéro un dans mon appartement. 

Lui et moi entretenons une relation régulière depuis plusieurs années à une fréquence moyenne hebdomadaire et le temps n’arrange pas les choses, bien au contraire. Nous ressemblons à un vieux couple qui ne peut plus se supporter mais qui en même temps, ne peut se passer l’un de l’autre. J’ai besoin de lui pour conserver un environnement sweet-home et lui de moi, pour le sortir de son placard dans lequel il est incarcéré en semaine, contorsionné entre la table à repasser et l’escabeau. 

Je redoute ce moment où j’ouvre la porte du placard pour le sortir et relier le tube flexible avec la partie dite traîneau ; je sais qu’en contrepartie d’aspirer, il va m’en faire baver. Tout commence une fois que la bête est branchée. Le faire (péniblement) rouler en tirant sur son flexible, se termine par un blocage des roulettes contre son propre fil électrique ; ou alors, le traîneau se retrouve sur le dos comme Caroline la tortue (on ne va pas se mentir, les tortues s’appellent toujours Caroline). Cette tortue aspirante en profite bien entendu pour rayer au passage le parquet avec sa carapace en plastique. Je sens à cet instant une pointe d’énervement se former dans mon cerveau alors que jusqu’ici, ma séance de ménage se déroulait sous les meilleures auspices : équipée de mes airpods, je vaquais à cette activité en me délectant du podcast des Grosses Têtes (@ruquierlaurent, @lesgrossestetes) téléchargé pour l’occasion. Et là vous vous dites que je suis réellement rentrée dans le cliché parfait de la ménagère quasi ménopausée mais je vous signale que des jeunes écoutent également cette émission. Alors oui, ce n'est pas forcément la majorité des auditeurs mais quand même, ça (me) fait du bien de le mentionner (#jeunesseéternelle). 

Ce constat étant fait, revenons en à nos moutons enfin ceux que mon aspirateur est censé avaler. Pourquoi faut-il que l'élément brosse à aspirer refuse régulièrement d’épouser l’orientation du sol, ce qui nous oblige à faire des gestes amples avec ce p… de manche, pour que la partie balai aspirateur se retrouve dans l’axe du sol ? Régulièrement en pratiquant cette manipulation, je ne manque pas de me cogner un bras ou un coude contre un meuble. Cette douleur sans importance débloque tout de même un nouveau palier d’énervement que je parviens à maîtriser en pratiquant sur moi même 2 ou 3 inspirations/expirations à la mode @petitbambou_fr). J’en profite également pour monter le son des Grosses Têtes, quitte à être aspirée par les coups de gueule corses et corsés de Christine Bravo (@christinebravotourdumonde) ou le rire hystérique communicatif de Yoann Riou (@yoannriou). Je reprends donc mon labeur avec mon aspirateur qui parfois sans aucune raison, refuse d’avaler une simple poussière. Et puis inversement alors que je ne m’y attends plus,  un objet non identifié mais au son bien distinct, parcourt le tube, signe qu’un corps lourd étranger se trouve à présent dans l’estomac de l’appareil. Alors par acquis de conscience d’un trésor pris au piège de l’animal, j’appuie une fois ou deux sur le bouton OFF (pour je ne sais quelle raison, l'appareil ne s’éteint que très rarement dès la première pression), j’ouvre le capot du traîneau et farfouille au milieu des divers corps poussiéreux présents dans ses entrailles. Ma main dégoutée au milieu de cette amas mou comme une toile d’araignée gigantesque, finit par tomber sur un capuchon BIC (mâchonné bien évidemment)… Tout ça pour ça.

Je passe d’une pièce à l’autre en débranchant/rebranchant le traineau quitte à me péter le dos (fais gaffe tu n’as plus l’âge). Parfois je décide de caler le tube télescopique et son flexible contre le mur, le temps de ranger un truc annexe. Pourquoi faut-il que ce tube perde l'équilibre et finisse par basculer sur le sol en prenant le soin d’embarquer dans sa chute un objet de préférence cassable ? Je suis présentement en zone rouge de mon quota d’agacement, ce qui déclenche une injure prononcée rageusement à haute voix et qui couvre le contenu de la valise RTL (@RTL) ; en même temps je te rappelle que tu écoutes un replay : ces déconvenues successives avec mon aspirateur semblent me faire perdre la raison (#volaudessusdunnidepoussières). 

Je termine mon ménage et essaie de placer l’engin dans un endroit non gênant avant de l’utiliser une dernière fois. Systématiquement il encombre la pièce, s’étend volontairement de tout son flexible pour bien me faire comprendre qu’il est maître des lieux et que face à lui je ne suis que …poussière. Je m’y cogne, me prends le pied dans le fil et atteins les limites de ma zone d’inconfort. Alors quand vient le moment du rangement, je passe en mode soulagement malheureusement vite balayé par l’épreuve du fil qui refuse de s’enrouler correctement malgré les appuis répétés sur la pédale prévue à cette effet.

A ce stade, j’en arrive à penser que mon aspirateur me fait payer sa vie de cachot du reste de la semaine. Effrayée par cette idée, j’ai donc interrogé mon cercle d’amies proches pour savoir si j’étais une tortionnaire et le constat est sans appel : l’aspirateur est systématiquement coincé voire démembré dans un placard ou cagibi, réduit à son plus simple appareil pour occuper un espace insuffisant mais qui devra faire l’affaire, parce qu’il n’y a jamais davantage de place ailleurs. 

A ce jour, je reste sans solution et qu’on ne me parle pas de « Dys-bip » au prix exorbitant et dont l’efficacité face au bon vieux modèle traineau reste relative (le modèle traineau équipe à ce jour 3 foyers sur 4 , parfaitement Madame ou Monsieur #fucklesmachos). Je n’ai donc à date pas de recette miracle pour contrer cette poussée d’hormones hystériques invasives. Mais je me dis qu’à 53 balais et des poussières, je devrais mettre tous ces petits tracas sous le tapis ou dans un sac et aspirer à plus de sérénité.